mardi 27 juin 2017

Trouble du comportement perturbateur

L'agressivité, l'irritabilité et l'instabilité de l'humeur font partie des troubles du comportement perturbateur présent chez les patients souffrant d'une maladie neurodégénérative. Je suis effectivement sollicité par une équipe à ce sujet.

Leur problématique est la suivante. Il agresse verbalement soignants et résidents, exige être servi en premier et chapote les voisins, retourne les situations à son avantage et peut se sentir persécuté.
 - Comment se comporter avec lui ?
 - Qu'est-ce qu'on peut faire pour le canaliser ?


Je m'entretiens avec lui. Il s'agace spontanément en moins d'une minute, admet se mettre en colère quand il estime cela nécessaire et tente de m'intimider ce qui n'a aucun effet. Il n'est pas en mesure d'étayer les situations de colère car le trouble mnésique est bien présent et adapte son propos à cette difficulté. Il donne le change et finit par interrompre l'entretien par une attitude de retrait et de fermeture non verbale.

Difficile de travailler en différé avec lui. Retour à l'équipe soignante avec clins d'œil.
- Le gauche pour la gestion du conflit (v. Evelyne Josse) : à partir de maintenant, dès que la situation est conflictuelle : maintenir une attitude assurée et soignante (ie bien crampées dans les chaussures et non défiante), plus il hausse le ton de sa voix et plus vous baissez le votre.
- Le droit pour la HAS : identifier toute les situations où il a pu se mettre en colère et repérer les réactions soignantes efficaces.

A suivre... les yeux fermés.

-----------------------------------------------------------------------------
HAS (2009). Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : prise en charge des troubles du comportement perturbateurs. Recommandations de bonne pratique.

Le Caravage (1599-1602). Judith décapitant Holopherne [détail ; huile sur toile]. Rome: Galerie nationale d'art ancien.

vendredi 2 juin 2017

Spirale et tremblements

Depuis le début de la pratique, je relève chez certains patients des tremblements à l'écriture notamment lors de la passation du MMSE ou encore des micrographies. Mais là, un tremblement uniquement en copie de figure et absent de l'écriture, je n'avais encore jamais vu !


WTF?!

La photo de la phrase étant tremblante, elle a subi une petite amélioration de netteté sous gimp.
Je m'interroge aussi sur mon cas...

A la recherche d'outils d'évaluation des tremblements j'accoste sur le site d'une association inconnue au bataillon, l'APTES (Association des Personnes concernée par les Tremblements Essentiels, sans trembler c'est par là), puis sur Amélie santé qui traite aussi du sujet ici. Professeur Broussolle a donc rédigé pour le compte de l'APTES un article fort intéressant sur le sujet étayant les différents tests pour repérer différents types de tremblements (d'attitude, d'action ou de repos Parkinsonien).

Le test de la spirale serait couramment employé et il pourrait apporter un diagnostic différentiel entre le tremblement essentiel et le tremblement psychogène à en croire une étude du Baylor College of Medicine (disponible ici).

Je constate les amplitudes maximales suivantes :
  • RAS en position du serment
  • ~3-4 mm en posture du bretteur
  • ~2-3 mm à l'épreuve doigt-nez sans aggravation les yeux fermés
  • RAS au cou
  • RAS à la tête
  • pas de tremblement de repos sans aggravation en épreuve de mémoire de travail
  • dessin de la spirale : 3mm de déviation maximale
En copie

En suivi de tracé.
  • test du verre d'eau : RAS
  • test avec deux verre d'eau à transvaser : RAS à gauche, tremblement léger (1-2 mm. sur le mouvement de bascule) à droite, pas d'eau de renversée
Bon rien d'aussi tremblant que ce que le poster d'Aguilar et al. (2008) montre à voir. Je serai tenté d'écarter l'hypothèse du tremblement essentiel. Celui de la patiente est présent selon le moment. Or, ma chère patiente est traitée par de la Cordarone... qui a pour effet indésirable fréquent le... tremblement ! Et... la patiente se dit stressée par l'évaluation neuropsychologique. Et elle n'est pas gênée par cela au quotidien. So what ? Iatrogène ou psychogène ?

Allo doc ?

--------------------------------------------------
Aguilar Tabora, L. G., Davidson, A., Jankovic, J., & Ondo, W. G. (2008). Characteristics of Archimedean spiral drawing in patients with psychogenic tremor. Neurology, 70(11 Suppl 1):A390-1.

mercredi 24 mai 2017

Photographier l'asile

La photographie est entrée dans les asiles d'aliénés dès le XIXè siècle. Elle avait une portée scientifique et probablement pédagogique car des clichés étaient pris lors d'épisodes de décompensation psychique et notamment chez les hystériques à la mode. Charcot en 1878 crée ainsi un service photographique à la Salpêtrière !
Quelques clichés trouvés sur le web :



Plus récemment, l'info du Psycom a diffusé la publication des travaux de Hadrien Duré intitulé La rue des sapins (le lien vers ses travaux ? C'est par là). L'occasion de découvrir quelques portraits noir et blanc. Les images ne visent plus l'avancée scientifique, ni la production des symptômes mais se voudraient davantage artistique voire naturaliste.
Et en cela, la photographie peut être une démarche éthique dans le soin invitant un changement du regard social sur les pathologies psys. Et d'ailleurs M. Duré accompagne ces clichés de commentaires. Plus qu'une simple légende, des mots contextualisés ont toute leur importance car ils dépassent les clichés. C'est une invitation à dépasser les silences et un voile levé sur ce qui est malheureusement mal perçu et rejeté.


------------------------------------------------------------------
Darwin, C. (1877). Expression de l'abattement, de l'anxiété, du chagrin, du découragement et du désespoir [photographies]. In C. Darwin (dir) L'expression des émotions chez l'homme et les animaux. Paris: Reinwald
Diamond, H. W. (1809-1886). Portrait de folle [photographie]. Paris: musée d'Orsay.
Duré, H. (2017). La rue des sapins [photographie]. http://cargocollective.com/durehadrien/La-rue-des-sapins