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lundi 3 septembre 2018

Sois heureux./

Je suis interpellé par une citation d'Eva Illouz dans La grande table : "Heureux comme qui moi je" :



Le bonheur est présenté non seulement comme une promesse pour surmonter sa souffrance, mais aussi de voir ses expériences comme des opportunités pour se renforcer. (...) [Le culte du bonheur créé] de nouvelles hiérarchies émotionnelles où ceux qui râlent, ceux qui sont en colère, sont "pathologisés", vus comme des gens dont il faudrait se débarrasser. Il y a une privatisation de la souffrance sociale.

Professeur Illouz fait un parallèle entre l'idée du bonheur et le néo-libéralisme ambiant. Cette thèse expose d'abord le fait que la souffrance sociale (souffrance infligée par la société aux membres vulnérables par le biais de plusieurs facteurs : l'emploi, le logement, l'accès à la santé, l'accès à la scolarité etc.) risque d'être cantonnée dans l'intimité de la cellule familiale ou d'un bureau de psychologue au détriment de son expression sociale. Le second apport de cette thèse est de souligner la corrélation existant entre le bonheur et la productivité en entreprise : des salariés heureux produisent mieux et sont rentables.

Les souffrances individuelles aux bancs de la vie sociale ? Effectivement cette thèse vise une pratique précise de la psychologie positive, du management positif où il est question du culte du bonheur et où les épreuves de la vie sont des opportunités de construire son bonheur. Il est en fait visé le mésusage des techniques de thérapies brèves dans la société ainsi que leur marchandisation ; le bonheur étant fixé au rang de valeur à atteindre au niveau social et professionnel.
Mais à quel prix ? La crainte de Pr. Illouz est que l'expression des émotions négatives soient bannies et que les individus se sentent coupables de leur souffrance et soient donc marginalisés et vulnérabilisés par la société et plus précisément par les groupes sociaux d'appartenance (travail, loisirs etc.). Cela est effectivement dommageable et je rejoins Pr. Illouz dans cette perspective : le culte du bonheur est un terme fort et implique des injonctions au détriment du reste, des autres et surtout de soi ; cela implique la recherche de l'uniformité sociale et le lissage des comportements humains
"Comment ça va ?
- Ca va... ça va,  ça va..."

Il est de même pour les injonctions suivantes aussi véhiculées par le monde social :
 * sois mince
 * sois fort
 * sois beau
 * sois désirable
 * sois fier
 * sois intelligent
 * sois intéressant
 * sois parfait
 * sois sage
 * sois soigné
 * sois libre
 * sois efficace
 * sois rapide
 * sois performant etc etc.

Tout autant d'impératifs culpabilisants (de dictat ?). Mais il en existe chez les anti où il est fait l'éloge de lenteur, du malheur, de la paresse et du carburateur etc. La thèse des antis peut être aussi extrême que celle des partisans, was'nt it ?


Néanmoins, il n'a jamais été autant question de santé psychique qu'aujourd'hui c'est dire la place qu'offre la société au mieux-être psy. Les méthodes pour "aller mieux" font foisons et sont d'une aide précieuses (contre les peurs, pour la confiance en soi, l'estime de soi, l'affirmation de soi, l'autorisation de soi). Si les individus d'une société consomment autant de livres et de conférences sur le bonheur, c'est qu'il y a une demande forte et ce n'est pas une niche dans le système !
Mais si c'était le système (néo-libéral) qui créait la demande ? Professeur Illouz semble étayer cette hypothèse dans ses travaux ce qui est très intéressant. Mais le sentiment d'impuissance provoqué par cela qu'est ce qu'on en fait ? Qui crée les demandes, les besoins, les envies, les goûts, la mode etc. ? Coca-Cola et son indice du bonheur ? Pointer le mal du doigt est un premier pas et après ? Quelles cartes possèdent les membres d'une société pour accéder au-dit bonheur et exprimer leur souffrance ?


Enfin la quête du bonheur est une recherche de l'acceptation de soi. Au final, si un individu est au clair avec son irascibilité et qu'il ne souffre pas et si un individu n'est plus hanté par ses peurs, ses croyances limitantes, ses psychotraumatismes pourquoi blâmer le travail qu'il a fait sur lui ? Si ces individus souffrent moins ou ne souffrent plus ou acceptent leurs failles pourquoi les blâmer ? Et si ces individus sont heureux au travail, en famille et ailleurs ?

Sois heureux point barre ou la tyrannie du bonheur m'apparaît exagéré (et cela n'engage que moi) sans parler du "culte du bonheur".


Finalement entre le droit au bonheur ou le devoir de bonheur, où sont les limites ?
Est-il interdit de conjuguer le bonheur ?
Qu'en est-il du bonheur transculturel ou interculturel ?

vendredi 28 juillet 2017

Du LSD pour les anxieux ?

Depuis novembre 2016 j'ai ce titre d'article dans mes brouillons et l'article en question sur mon bureau... Il est temps que je passe à autre chose non ?

Ca vous dit une psychothérapie assistée sous LSD, psilocybine ou MDMA ? C'est ce que propose d'étudier une équipe de chercheurs suisses dans la revue Neuropsychopharmacology (ici bas).

Pourquoi parler de cette étude ? Tout simplement son titre est accrocheur et quand je lis LSD, j'ai peur, je pense à Timothy Leary et aux hippies héritiers de la beat-generation dont la déchéance ultime est à l'image du labour des dernières minutes du film de Woodstock (3 days of peace and music) sur fond d'apocalypse génial... ou comment Hendrix critique la politique guerrière américaine et comment cela peut être réversible et illustrer la finalité des idéaux hippies, la ruine des organisateurs et du vide d'une pensée assistée d'hallucinogènes. Combien de décompensation psy sous LSD, combien d'effet rebond ? Combien de désillusion à Katmandou ? Combien d'enfants abandonnés par des parents trop occupé à se défoncer ? Combien d'errance ? Combien de manipulation mentale sous prétexte d'idéologie pacifiste ?
Aujourd'hui, nous regardons tout ça avec une nostalgie naïve et ça m'énerve car j'ai moi-même été leurré de croire en cette liberté assistée. Trois jours de violence, pas besoin des black angels pour ça, juste d'une communion sous acide.


Qu'importe alors de m'écraser, pourvu que je m'envole !

Et puis je pense à tous les anxieux sous acide et je suis curieux de ses effets thérapeutiques. Le voyage acide commence maintenant d'après des études des années 2000-2010 :
 - l'anxiété diminue et la qualité de vie augmente pendant un an chez des anxieux et phase terminale d'une maladie (cancer ?) pour quelques administrations d'acide
 - facilite l'avancée d'une psychothérapie
 - restructure la construction du monde des personnes et leur fonctionnement émotionnel
 - réduit la dépendance à l'alcool et au tabac
 - réduit les symptômes d'un PTSD
 - accroît l'optimisme et développe le trait de personnalité d'ouverture d'esprit
 - produit des changement positifs de comportement, d'attitudes et d'humeur.
 - expériences mystiques
Ces bénéfices se retrouvent ainsi sur plusieurs mois et plusieurs années après la dernière prise d'acide.

Il existe ainsi des différences d'action. Le MDMA est un empathogène (il crée un biais positifs dans la gestion des émotions) favorisant les sentiments positifs, l'empathie et les comportements pro-sociaux avec peu d'effet hallucinogène. Et le LSD fait-il le même effet ? L'étude apporte les réponses suivante chez des sujets sains :
 - il altère le traitement cognitif des visages tristes et effrayées
 - il ne favorise pas le traitement cognitif de la joie
 - il favorise l'empathie émotionnelle et les comportements pro-sociaux
 - il altère l'empathie cognitive
 - il favorise l'introversion avec des sentiments de joie, de foi, d'être proche des autres et de désirer être proche des autres
 - les effets indésirables observés étaient : vertiges, maux de tête, fatigue, épuisement pendant 72h maximum avec élévation de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque, de la température corporelle et une mydriase.

A quelques différences près les trois hallucinogènes ont donc des effets similaires. Bon d'accord merci mais je crois qu'il existe des thérapies non-médicamenteuses qui pourraient avoir des effets similaires sans avoir à bouffer des champignons. A choisir, je préfère une psychanalyse au roquefort.

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Anonyme (1969). Photo sans titre.
Dolder, P. C., Schmid, Y., Müller, F., Bogwardt, S., & Liechti, M. E. (2016). LSD Acutely Impairs Fear Recognition and Enhances Emotional Empathy and Sociality. Neuropsychopharmacology (2016) 41, 2638–2646.
Lofofora (2002). Auto-pilote [chanson]. In, Lofofora, Le fond et la forme. BMG.

mercredi 24 mai 2017

Photographier l'asile

La photographie est entrée dans les asiles d'aliénés dès le XIXè siècle. Elle avait une portée scientifique et probablement pédagogique car des clichés étaient pris lors d'épisodes de décompensation psychique et notamment chez les hystériques à la mode. Charcot en 1878 crée ainsi un service photographique à la Salpêtrière !
Quelques clichés trouvés sur le web :



Plus récemment, l'info du Psycom a diffusé la publication des travaux de Hadrien Duré intitulé La rue des sapins (le lien vers ses travaux ? C'est par là). L'occasion de découvrir quelques portraits noir et blanc. Les images ne visent plus l'avancée scientifique, ni la production des symptômes mais se voudraient davantage artistique voire naturaliste.
Et en cela, la photographie peut être une démarche éthique dans le soin invitant un changement du regard social sur les pathologies psys. Et d'ailleurs M. Duré accompagne ces clichés de commentaires. Plus qu'une simple légende, des mots contextualisés ont toute leur importance car ils dépassent les clichés. C'est une invitation à dépasser les silences et un voile levé sur ce qui est malheureusement mal perçu et rejeté.


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Darwin, C. (1877). Expression de l'abattement, de l'anxiété, du chagrin, du découragement et du désespoir [photographies]. In C. Darwin (dir) L'expression des émotions chez l'homme et les animaux. Paris: Reinwald
Diamond, H. W. (1809-1886). Portrait de folle [photographie]. Paris: musée d'Orsay.
Duré, H. (2017). La rue des sapins [photographie]. http://cargocollective.com/durehadrien/La-rue-des-sapins

jeudi 2 février 2017

CCNE

Le comité consultatif national d'éthique (CCNE) a un nouveau président.
Jean-Claude Ameisen laisse ainsi sa place à Jean-François Delfraissy pour que notre société continue d'avancer sur des sujets aussi complexe que la GPA et consorts. Pour que l'ouverture d'esprit et la réflexion à tous les niveaux luttent contre l'ignorance, le mépris, les a-priori et les résistances au changement, le CCNE pourrait se dire cessez haineux.


Bon vent à Jean-François et que la récolte des pensées soit de qualité !

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Manet, E. (1880). L'évasion de Rochefort [huile sur toile]. Musée d'Orsay.

jeudi 22 décembre 2016

A chaud... de la colère à comment renforcer les stigmates par l'humour ?

De la colère.

Hier, France Inter ''fêtait'' les 10 ans des enfants du canal qui est une association qui lutte contre le mal-logement. Les directs se passaient place de la République devant un auditoire de "mal-logés" semble-t-il. L'association en question, pour son anniversaire distribuait aux sans-abris des postes de radios/lampe de poche à dynamo et énergie solaire... Or, comme le disait très justement Augustin Legrand, fondateur des enfants de don Quichotte,  "distribuer des radios, c'est pour distribuer la parole mais ça ne sert à rien, on le sait" (matinale de Cohen).
"Mettez-vous au chaud Léa Salamé" concluait maladroitement Cohen à 7h50. Effectivement ça devait cailler grave place de la République à l'aube de cet anniversaire, d'autant plus quand on est enceinte. Une chambre d'hôtel de libre où il est interdit de manger suffirait peut-être à satisfaire un besoin de logement, un besoin de foyer ? Malheureuse illusion de la naissance du sentiment d'être logé.


Au renforcement des stigmates.

Et puis la goutte d'eau qui fait déborder le vase de la colère c'est l'émission de Vanhoenacker. Emission que j'apprécie pour son humour décalé mais qui hier était trop décalé. "Peut-on rire de tout ?" était proposé comme éternel sujet de conversation à l'invité (Jérémy Ferrari). Sa réponse était intéressante car il parvenait à dire que des sujets graves comme les attentats de Paris n'étaient pas drôles pour une victime de ces attentats. Alors que selon lui les "handicapés" trouveraient très drôle les sketchs les concernant en tant qu'objet de rire. Paradoxe à part, il me semble qu'il y ait un niveau différent d'impact de l'humour entre je fais un sketch sur les stéréotypes du handicap (finalement ça ne concerne personne en particulier) et je fais un sketch sur une victime des attentats de Paris et sur ce que cette victime bien ciblée à vécu précisément et personnellement (finalement ça concerne directement une personne qui n'est certes pas cité mais qui, elle et sa famille se reconnaissent). Être personnellement l'objet du rire n'est pas drôle et il me semble que la catharsis de l'humour trouve ses limites dans cette condition précise car elle remet à mal un équilibre psychique déjà traumatisé. Je m'égare...

Et quand je ne sais plus quel intervenant de l'émission (Vizorek ou Meurice) interpellait le public pour chauffer la salle en leur balançant "comment ça va les pauvres ?" et ce, à plusieurs reprises, ce fut le comble du mauvais goût.
Rappelons-nous du modèle processus de précarisation de Paugam (1991) : "la précarité est une fragilisation sociale qui se déploie sur un continuum allant de l’intégration à l’exclusion." La première étape de ce processus est la stigmatisation, "moment où la personne accepte d’être désignée comme pauvre par les institutions officielles". C'est donc se définir comme pauvre, en porter la marque à l'échelle de la société pour ne plus être reconnu de prime abord comme un être humain, un citoyen. C'est une étape de la mise en écart et se faire interpeller à la radio en tant que pauvre vient renforcer ce stigmate et je m'interroge de comment le public a pu vivre cela.

Si je devais résumer ce qui est dit (communiqué) ça serait :
Je t'offre une radio, ça ne sert à rien sauf à distribuer la parole, une parole stigmatisante pour ne pas que tu (on ne te vouvoies plus de toute manière) oublies ce que tu es devenu et ce que tu vas malheureusement rester. Et les pauvres ne sont pauvres qu'à Noël, ça se sait ça !

Le mauvais goût et les maladresses médiatiques ont encore un bel avenir devant eux.

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Paugam, S. (1991). La disqualification sociale. PUF, Quadrige.

mercredi 21 septembre 2016

''A chaud''... le divorce Pitt-Jolie et les enfants

Je viens d'apprendre que l'emblématique couple Pitt-Jolie allait divorcer (merci Marc Fauvelle pour l'info). Quelles est la raison officielle ? Une mésentente quant à l'éducation de leurs six enfants.


Je résume, c'est la faute des enfants si "papa et maman" divorcent.
No comment.

vendredi 26 août 2016

La rentrée, un rite de passage ou un deuil des vacances ?

La rentrée scolaire approche à grand pas et comme chaque année nous subissons notre lot de marronnier journalistique (la rentrée des classes, les fournitures scolaires, les bons plans, la fin des vacances, ceux qui les prolongent etc.). Cette année, c'est malheureusement l'occasion d'aborder cette ritournelle sous un angle différent, celui du terrorisme et du risque d'attentats. Comment préparer nos plus jeunes à une intrusion armée ? Et cette obligation dérangeante mais nécessaire de simuler une attaque armée dans une école.


Je reviens vers le fond de la rentrée des classes. La forme est appelée à changer, c'est son rôle propre, la preuve cette année. Quant au fond, il est plus empreint d'éternité, de routine rassurante et ronronnante. Il a plus trait au rite qu'à l'évènement. La rentrée des classes marque un passage d'un avant (les grandes vacances autrefois associées aux travaux agricoles) et d'un après (le retour à l'instruction) accompagné de comportements préparatoires autant physique (reprendre le rythme, acheter du matériel, s'installer dans son nouvel appart') que mental (c'est la fin des vacances et donc la perte de ce mode de vie ; faut-il y voir un deuil ?).

C'est aussi la rentrée littéraire, la rentrée politique et au travail alors ?


On prépare une rentrée symbolique : on reprend les projets arrêtés, on en lance de nouveaux, la cadence va battre son plein et le système institutionnel reprendre sa marche... jusqu'à la nouvelle année et l'été suivant. N'est-ce pas rassurant au final et n'est-ce pas confortable ? Comme ces rites se produisent d'année en année, il n'y a pas de deuil possible puisqu'il n'y a pas de perte définitive.

"C'est les vacances je suis content" (ou pas, tout dépend !)
"Je reprend le travail, ça fait mal" (ou pas, tout dépend !)
"J'anticipe mes prochaines vacances" (ou pas, tout dépend !)

C'est un peu le caché-coucou des adultes pour reprendre un exemple de Cyrulnik ayant trait à la construction de la conscience de la mort chez l'enfant.

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- Cyrulnik, B. (2001). De la conscience de soi à la spiritualité. In P. Picq & Y. Coppens, Aux origines de l’humanité T2 - Le propre de l’homme. Fayard.
- Renoir, A. (1881). Marronnier en fleurs [huile sur toile]. Berlin: Staatliche Museum.
- Wilder, B. (1960). The appartment. Mirisch Company

mardi 28 juin 2016

Du rôle fondamental de la psychose dans la société vers une autre entité diagnostique

Pour faire écho à l'article de Clément Guillet (sur Slate.fr), un petit mot sur les troubles psychotiques des grandes figures religieuses fondatrices de notre société occidentale. Guillet fait état d'un article fort intéressant paru le journal américain de neuropsychiatrie et neurosciences cliniques (en PDF ici).


Les auteurs de cet article (Murray, Cunningham & Price, 2012) sont confrontés dans leur pratique à des patients psychotiques pensant posséder des dons surnaturels. Or, comme le rapportent les auteurs, comment expliciter au patient que ces symptômes psychotiques ne sont pas d'ordre surnaturel alors même que notre civilisation attribue un caractère divin à des symptômes similaires supportés par des figures religieuses révérées ? Ils se sont donc penché sur les cas d'Abraham, Moïse, Jésus et Saint-Paul dans le cadre d'un exercice diagnostique.



"Et pourquoi faire" diraient les Mudokons ?

Les auteurs espèrent ainsi que la vénération de ces figures religieuses se transfert en plus grande compassion et compréhension des personnes souffrant de troubles psychiques similaires.






N'en voulons pas (ou juste un peu) à Guillet qui s'est voulu plus psychiatre que journaliste sur Slate en titrant des diagnostics erronés et accrocheurs... Je rappelle au passage qu'un diagnostic psychiatrique reste avant tout un diagnostic médical. Un tel diagnostic est une démarche précise et scientifique d'autant plus quand les patients en questions sont décédés depuis quelques temps déjà !

Un travail très intéressant autant sur le plan historique, social, humain et médical ! Pour chaque figure religieuse sont recensés des signes ressemblant à un phénomène psychiatrique (hallucinations, idées au contenu paranoïaque, délires...) avec une liste d'hypothèse étiologique possible (épilepsie, peur etc.) et des pistes diagnostiques exhaustives. Pour Abraham sont retenues les pistes suivantes :
  • schizophrénie paranoïde
  • trouble psychotique non spécifié
  • bipolarité
  • trouble schizoaffectif (ce qui est un intermédiaire entre la psychose et le trouble de l'humeur)

Il est toutefois précisé que le seul fait d'avoir un rôle de leader dans une communauté et donc une ascendance sociale est une contre-indication diagnostique pour une psychose. Les auteurs, sur la base des théories de la distance sociale et des troubles de la communication, des modèles psychologico-politiques des relations entre meneurs et suiveurs et des comportements dans un groupe apportent des éléments de réponse à ce constat contradictoire. Ils concluent et souhaiteraient apporter une nouvelle sous-catégorie diagnostique de la schizophrénie ou de la psychose sous tendu par un continuum de la symptomatologie psychotique pour que ces figures religieuses puissent être comprise par la psychiatrie. Le très controversé DSM-V (2013) n'a pas franchi ce pas pour autant (j'en ignore les raisons).


Quoiqu'il en soit la sous-catégorie serait une variante de la supraphrénie (esprit supérieur) avec la persistance durant six mois ou plus des symptômes suivants :
  • système de pensée organisé et relativement délirant sans être bizarre pour autant
  • sentiment d'être grandiose
  • narcissisme souvent délirant
  • des hallucinations
  • un sentiment intense d'être surnaturellement sélectionné pour une mission
Chez :
  • une personne au niveau intellectuel moyen à supérieur
  • avec de fortes capacités de communication,
  • un niveau élevé de charisme (magnetic charisma),
  • la capacité de générer de l'empathie chez autrui
  • et la capacité d'entraîner, de convaincre des groupes ou des populations à suivre ses directives pour une période de temps indéfinie.
Le but de ces personnes serait en partie ou complètement basé ou inspiré par un processus de pensée psychotique. Cela produirait des pensées étroitement liées à des croyances sociales communément partagées sans être non plus raisonnable. Ces personnes devraient être habile dans le maintien de la cohésion sociale, être persuasif, influencer les autres et avoir un rang social élevé dans un tel groupe. Leurs croyances se manifesteraient dans la promulgation d'activités mortelle pour eux et le groupe et seraient donc à l'écart des normes sociales.
Seraient exclus les symptômes négatifs et de désorganisation ainsi que les troubles cognitifs.
Des troubles affectifs (dépression, anxiété, bipolarité) pourraient être associés sans pour autant affecté le fonctionnement de la personne mais plutôt être employé comme un moteur.
L'hyper-religiosité pourrait être associée fréquemment mais elle ne serait pas un critère nécessaire. Les auteurs font état d'autres système de croyances socio-politiques (extraterrestres, forces surnaturelles...).


Enfin, ces personnes devraient avoir une influence extraordinaire sur les autres et la société n'est-ce pas Dostoïevski ?

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Sources :
APA (2013). DSM-V. Washington D.C. American Psychiatric Association
da Caravaggio, M. M. (1594-1596). Le sacrifice d'Isaac [huile sur toile]. Florence: Galleria degli Uffizi.
da Caravaggio, M. M. (vers 1598). Narcisse [huile sur toile]. Rome: Galerie nationale d'art ancien.
da Caravaggio, M. M. (vers 1604). La Conversion de saint Paul sur la route de Damas [huile sur toile]. Rome: Eglise Santa Maria del Popolo.
Guillet, C. (2016). Jésus, Abraham et Moïse étaient-ils psychotiques ? Slate.fr
Holbein le Jeune (1521). Christ mort. Bâle.