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vendredi 28 juillet 2017

Du LSD pour les anxieux ?

Depuis novembre 2016 j'ai ce titre d'article dans mes brouillons et l'article en question sur mon bureau... Il est temps que je passe à autre chose non ?

Ca vous dit une psychothérapie assistée sous LSD, psilocybine ou MDMA ? C'est ce que propose d'étudier une équipe de chercheurs suisses dans la revue Neuropsychopharmacology (ici bas).

Pourquoi parler de cette étude ? Tout simplement son titre est accrocheur et quand je lis LSD, j'ai peur, je pense à Timothy Leary et aux hippies héritiers de la beat-generation dont la déchéance ultime est à l'image du labour des dernières minutes du film de Woodstock (3 days of peace and music) sur fond d'apocalypse génial... ou comment Hendrix critique la politique guerrière américaine et comment cela peut être réversible et illustrer la finalité des idéaux hippies, la ruine des organisateurs et du vide d'une pensée assistée d'hallucinogènes. Combien de décompensation psy sous LSD, combien d'effet rebond ? Combien de désillusion à Katmandou ? Combien d'enfants abandonnés par des parents trop occupé à se défoncer ? Combien d'errance ? Combien de manipulation mentale sous prétexte d'idéologie pacifiste ?
Aujourd'hui, nous regardons tout ça avec une nostalgie naïve et ça m'énerve car j'ai moi-même été leurré de croire en cette liberté assistée. Trois jours de violence, pas besoin des black angels pour ça, juste d'une communion sous acide.


Qu'importe alors de m'écraser, pourvu que je m'envole !

Et puis je pense à tous les anxieux sous acide et je suis curieux de ses effets thérapeutiques. Le voyage acide commence maintenant d'après des études des années 2000-2010 :
 - l'anxiété diminue et la qualité de vie augmente pendant un an chez des anxieux et phase terminale d'une maladie (cancer ?) pour quelques administrations d'acide
 - facilite l'avancée d'une psychothérapie
 - restructure la construction du monde des personnes et leur fonctionnement émotionnel
 - réduit la dépendance à l'alcool et au tabac
 - réduit les symptômes d'un PTSD
 - accroît l'optimisme et développe le trait de personnalité d'ouverture d'esprit
 - produit des changement positifs de comportement, d'attitudes et d'humeur.
 - expériences mystiques
Ces bénéfices se retrouvent ainsi sur plusieurs mois et plusieurs années après la dernière prise d'acide.

Il existe ainsi des différences d'action. Le MDMA est un empathogène (il crée un biais positifs dans la gestion des émotions) favorisant les sentiments positifs, l'empathie et les comportements pro-sociaux avec peu d'effet hallucinogène. Et le LSD fait-il le même effet ? L'étude apporte les réponses suivante chez des sujets sains :
 - il altère le traitement cognitif des visages tristes et effrayées
 - il ne favorise pas le traitement cognitif de la joie
 - il favorise l'empathie émotionnelle et les comportements pro-sociaux
 - il altère l'empathie cognitive
 - il favorise l'introversion avec des sentiments de joie, de foi, d'être proche des autres et de désirer être proche des autres
 - les effets indésirables observés étaient : vertiges, maux de tête, fatigue, épuisement pendant 72h maximum avec élévation de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque, de la température corporelle et une mydriase.

A quelques différences près les trois hallucinogènes ont donc des effets similaires. Bon d'accord merci mais je crois qu'il existe des thérapies non-médicamenteuses qui pourraient avoir des effets similaires sans avoir à bouffer des champignons. A choisir, je préfère une psychanalyse au roquefort.

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Anonyme (1969). Photo sans titre.
Dolder, P. C., Schmid, Y., Müller, F., Bogwardt, S., & Liechti, M. E. (2016). LSD Acutely Impairs Fear Recognition and Enhances Emotional Empathy and Sociality. Neuropsychopharmacology (2016) 41, 2638–2646.
Lofofora (2002). Auto-pilote [chanson]. In, Lofofora, Le fond et la forme. BMG.

vendredi 2 juin 2017

Spirale et tremblements

Depuis le début de la pratique, je relève chez certains patients des tremblements à l'écriture notamment lors de la passation du MMSE ou encore des micrographies. Mais là, un tremblement uniquement en copie de figure et absent de l'écriture, je n'avais encore jamais vu !


WTF?!

La photo de la phrase étant tremblante, elle a subi une petite amélioration de netteté sous gimp.
Je m'interroge aussi sur mon cas...

A la recherche d'outils d'évaluation des tremblements j'accoste sur le site d'une association inconnue au bataillon, l'APTES (Association des Personnes concernée par les Tremblements Essentiels, sans trembler c'est par là), puis sur Amélie santé qui traite aussi du sujet ici. Professeur Broussolle a donc rédigé pour le compte de l'APTES un article fort intéressant sur le sujet étayant les différents tests pour repérer différents types de tremblements (d'attitude, d'action ou de repos Parkinsonien).

Le test de la spirale serait couramment employé et il pourrait apporter un diagnostic différentiel entre le tremblement essentiel et le tremblement psychogène à en croire une étude du Baylor College of Medicine (disponible ici).

Je constate les amplitudes maximales suivantes :
  • RAS en position du serment
  • ~3-4 mm en posture du bretteur
  • ~2-3 mm à l'épreuve doigt-nez sans aggravation les yeux fermés
  • RAS au cou
  • RAS à la tête
  • pas de tremblement de repos sans aggravation en épreuve de mémoire de travail
  • dessin de la spirale : 3mm de déviation maximale
En copie

En suivi de tracé.
  • test du verre d'eau : RAS
  • test avec deux verre d'eau à transvaser : RAS à gauche, tremblement léger (1-2 mm. sur le mouvement de bascule) à droite, pas d'eau de renversée
Bon rien d'aussi tremblant que ce que le poster d'Aguilar et al. (2008) montre à voir. Je serai tenté d'écarter l'hypothèse du tremblement essentiel. Celui de la patiente est présent selon le moment. Or, ma chère patiente est traitée par de la Cordarone... qui a pour effet indésirable fréquent le... tremblement ! Et... la patiente se dit stressée par l'évaluation neuropsychologique. Et elle n'est pas gênée par cela au quotidien. So what ? Iatrogène ou psychogène ?

Allo doc ?

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Aguilar Tabora, L. G., Davidson, A., Jankovic, J., & Ondo, W. G. (2008). Characteristics of Archimedean spiral drawing in patients with psychogenic tremor. Neurology, 70(11 Suppl 1):A390-1.

mardi 20 décembre 2016

Gastrostomie et trouble anxieux (la suite)

Je fais suite à mon précédent article sur la dame anxieuse. Pour faire court, le symptôme d'anxiété s'est résorbé. Par contre difficile d'identifier le facteur de réussite parmi tout ce qui s'est mis en place pour elle :
  • facteur environnementaux :
    • une nouvelle voisine de chambre foncièrement extravertie qui la considère comme la sœur de sa belle-mère
    • une autre voisine de chambre pour qui la dame avait travaillé dans sa jeunesse
    • une distribution rassurante des poches de gastrostomies
  • facteur psychothérapeutique :
    • une séance d'hypnothérapie
    • des séances de soutien psychothérapeutique dans un environnement bruyant afin de stimuler son contrôle attentionnel, librement inspiré des travaux de Robinson et al. (2016 ; en cliquant sur ce lien)
  • facteur médicamenteux :
    • un anxiolytique en systématique
Aujourd'hui, elle est plus détendue, souriante et élabore spontanément de petits projets afin d'améliorer son quotidien ce qui est significativement remarquable !

Tout cela, c'est la forme. Finalement nous avons réduit le trouble du comportement perturbateur mais le fond d'anxiété, lui, est toujours là et bien ancré.

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Robinson, O. J., Krimsky, M., Lieberman, L., Vytal, K., Ernst, M., & Grillon, C. (2016). Anxiety-potentiated amygdala–medial frontal coupling and attentional control. Translational Psychiatry (2016) 6, e833; doi:10.1038/tp.2016.105.

dimanche 25 septembre 2016

Gastrostomie et trouble anxieux

Une gastrostomie datant de plus d'une décennie sur une patiente âgée. Cette acte chirurgical n'a pas été acceptée par celle-ci :

"Je croyais que ce serait provisoire. Si j'avais su avant l'opération que je devais porter des poches tous les jours, j'aurai refusé. Le chirurgien m'a dit que ce serait provisoire. J'aurai dû refuser et j'aurai préféré mourir que d'avoir à supporter ça."


Elle souffre d'un trouble anxieux généralisé qui se manifeste, pour ce qui est des symptômes signifiant, par une irritabilité, une tension musculaire, un trouble du sommeil et, pour ce qui relève de la clinique, des obsessions de vérifications, de nettoyage, une obnubilation de la pensée sur l'orifice artificiel, les poches et les sécrétions qui en sortent. Elle appréhende les émanations d'odeurs et a une consommation de poche démesurée car elle les change au moindre gonflement, à la moindre sécrétion.

"Je ne veux pas qu'on sente, j'ai peur que ça sente mauvais, que les autres s'en rendent compte."

Elle ne sort plus que pour s'alimenter à la salle commune après un check-up complet de sa stomie et s'être assurée d'avoir récolter tout ce qui devait en sortir (à partir de 11h).

"Je ne dors plus. Je reste dans ma chambre, je regarde la télé. Vous connaissez l'émission de... de chose... ? Ca me calme. La nuit je fais pareil. Vous voulez une pate de fruit ?
- Je ne voudrai pas que ça vous manque.
- Non, non prenez-en une. J'en mange la nuit, ça m'aide à me calmer.
- Justement...
- Prenez-en une autre."


En tant que thérapeute débutant, j'ai été perplexe de cette situation pendant un moment d'une part à cause de la stomie (c'est la première personne que je rencontrais avec un tel appareillage. Même s'il est caché, il restait au centre des préoccupations de la patiente). D'autre part, elle me renvoyait un sentiment d'impuissance. Je ressentais de la frustration car j'étais moi-même envahi par ses symptômes, tellement l'angoisse pouvait être palpable. J'étais sculpté par la patiente aurait dit une systémicienne. Cela s'est paradoxalement arrangé (sa situation et mon blocage) quand j'ai surpris la patiente dans un épisode d'attaque de panique...

Debout dans la salle de bain, elle ne parvenait pas à fixer une nouvelle poche quand les produits de sa digestion ont commencé à sortir. Elle était empreinte de vertiges et de nausées. Elle criait, appelait à l'aide. Les aides-soignantes ont accourues mais elle refusait leur aide. Toutes ses portes étaient ouvertes et elle ne concevait pas de les fermer. J'ai été contraint de la soutenir moralement, depuis le couloir en lui signifiant qu'elle n'était pas seule et qu'elle pouvait prendre son temps pour se 'préparer'.

C'est là que j'ai pris conscience de l'ampleur de la souffrance psychique et physique de cette patiente mais aussi de mon incompétence dans son domaine.

Heureusement que la supervision est là pour se sentir compris et soutenu dans sa pratique car le psychologue comme d'autres professionnels est fondamentalement seul.

La faculté ne forme pas à de telles situations, elle n'en a pas les moyens et il ne faut pas attendre d'un cursus universitaire à être paré pour la pratique. C'est le jeu en quelque sorte. Du coup, j'ai dû lire, m'autoformer à la psychosomatique. Mais concrètement, le Moi-Peau d'Anzieu n'apporte qu'un support théorique à la réflexion, le QSJ de Marty sur la psychosomatique de l'adulte est très théorique pour ne pas dire clanique ce dont je me méfie souvent...
Sur le net, je suis aussi tombé sur une publication (L'image corporelle, un concept de soin). Une synthèse d'un collectif d'infirmière spécialisée dans ce concept. Lointain concept vaporeux rapidement vu en TD de L3 ou de M1... TD désincarné de toute pratique... car la psychologie est souvent enseigné hors de son enclave corporelle en respect du dualisme cartésien.
Ce collectif d'infirmière a bien compris la potentielle souffrance psycho-corporelle des patients gastro-stomisés. Effectivement, il y a un déplacement corporelle d'une fonction cachée, contrôlée (sauf problème d'incontinence) et qui, après chirurgie devient visible et surprenant (dans le mauvais sens du terme).

Maintenant, reste à mobiliser du monde autour de cette dame...


"Ne fermez pas la porte en partant s'il vous plaît."

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Anzieu D. (1985). Le moi-peau. Paris: Dunod.

Bérard, L. (1913). Titres et travaux scientifiques [Réf. image MEDIC@ : med110133x106x10x0054
Fig. XXVIII. Pharyngectomie après trachéotomie et gastrostomie préventives]. Edition : Lyon

Beyeler, S., Bigler-Perrotin, L., Donnat, N., Jaggi, K., Jonniaux, S., Laroutis Monnet, R., Lataillade, L., Lei, J., Schaerer, G., Séraphin, M.-A., Tarteaut, M.-H., Thévenot, O., & Victorion, M. (2006). L'image corporelle, un concept de soins. HUG.

Lang, F. (1931). Peter Lorre dans le film "M le maudit" [photographie]. Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz (BPK).

Marty, P. (2014). La psychosomatique de l'adulte (7è ed.). PUF: QSJ?