jeudi 30 mars 2017

Et ta démence, elle se transcrit comment ?

Une revue de questions (Delgado-Morales & Esteller, 2017 ; disponible sur ce lien) vient de paraître concernant les processus neuroépigénétiques impliqués dans les principales maladies neurodégénératives (maladies d'Alzheimer et de Parkinson, démences à corps de Lewy et fronto-temporales). Celles-ci sont considérées par les auteurs comme émergeant d'un spectre de troubles cognitifs. Ils rappellent que l'âge est le facteur de risque le plus important pour ces maladies. En conséquence de cause, leurs incidences respectives vont se majorer avec l'accroissement de l'espérance de vie.


Par exemple, l'accumulation de béta-amyloïdes censé être un indicateur de maladie d'Alzheimer est aussi observée dans la démence à corps de Lewy. Il en est de même pour l'hyperphosphorylation de la protéine Tau et l'inclusion d'alpha-synucléine retrouvées dans la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson et la démence à corps de Lewy !


En quoi est-ce étonnant ?
Nous sommes bien loin de la facile et nette distinction entre pathologies sur la base moléculaire ! C'est pour ça que les autopsies post-mortem trouvent autant de mixité moléculaire ! Malgré leurs différences sur le plan clinique, elles ont en commun des altérations au niveau moléculaire. C'est à dire que le processus pathologique est identique dans un premier temps et qu'il diverge et se spécifie au fur et à mesure de la progression de la maladie. L'hypothèse retenue par les auteurs (LEARn) est que des altérations épigénétiques au cours de la vie pourrait perturber la transcription à long terme de certains gènes. Le cumul de ces altérations serait comme une graine des maladies neurodégénératives.

Et puis quoi encore ?
Comme dans beaucoup d'étude, il faut poursuivre les recherches. Et bien poursuivez car c'est passionnant !

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Sources :
Delgado-Morales, R., & Esteller, M. (2017). Opening up the DNA methylome of dementia. Molecular Psychiatry, 22, 485-496.

jeudi 2 février 2017

CCNE

Le comité consultatif national d'éthique (CCNE) a un nouveau président.
Jean-Claude Ameisen laisse ainsi sa place à Jean-François Delfraissy pour que notre société continue d'avancer sur des sujets aussi complexe que la GPA et consorts. Pour que l'ouverture d'esprit et la réflexion à tous les niveaux luttent contre l'ignorance, le mépris, les a-priori et les résistances au changement, le CCNE pourrait se dire cessez haineux.


Bon vent à Jean-François et que la récolte des pensées soit de qualité !

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Manet, E. (1880). L'évasion de Rochefort [huile sur toile]. Musée d'Orsay.

jeudi 22 décembre 2016

A chaud... de la colère à comment renforcer les stigmates par l'humour ?

De la colère.

Hier, France Inter ''fêtait'' les 10 ans des enfants du canal qui est une association qui lutte contre le mal-logement. Les directs se passaient place de la République devant un auditoire de "mal-logés" semble-t-il. L'association en question, pour son anniversaire distribuait aux sans-abris des postes de radios/lampe de poche à dynamo et énergie solaire... Or, comme le disait très justement Augustin Legrand, fondateur des enfants de don Quichotte,  "distribuer des radios, c'est pour distribuer la parole mais ça ne sert à rien, on le sait" (matinale de Cohen).
"Mettez-vous au chaud Léa Salamé" concluait maladroitement Cohen à 7h50. Effectivement ça devait cailler grave place de la République à l'aube de cet anniversaire, d'autant plus quand on est enceinte. Une chambre d'hôtel de libre où il est interdit de manger suffirait peut-être à satisfaire un besoin de logement, un besoin de foyer ? Malheureuse illusion de la naissance du sentiment d'être logé.


Au renforcement des stigmates.

Et puis la goutte d'eau qui fait déborder le vase de la colère c'est l'émission de Vanhoenacker. Emission que j'apprécie pour son humour décalé mais qui hier était trop décalé. "Peut-on rire de tout ?" était proposé comme éternel sujet de conversation à l'invité (Jérémy Ferrari). Sa réponse était intéressante car il parvenait à dire que des sujets graves comme les attentats de Paris n'étaient pas drôles pour une victime de ces attentats. Alors que selon lui les "handicapés" trouveraient très drôle les sketchs les concernant en tant qu'objet de rire. Paradoxe à part, il me semble qu'il y ait un niveau différent d'impact de l'humour entre je fais un sketch sur les stéréotypes du handicap (finalement ça ne concerne personne en particulier) et je fais un sketch sur une victime des attentats de Paris et sur ce que cette victime bien ciblée à vécu précisément et personnellement (finalement ça concerne directement une personne qui n'est certes pas cité mais qui, elle et sa famille se reconnaissent). Être personnellement l'objet du rire n'est pas drôle et il me semble que la catharsis de l'humour trouve ses limites dans cette condition précise car elle remet à mal un équilibre psychique déjà traumatisé. Je m'égare...

Et quand je ne sais plus quel intervenant de l'émission (Vizorek ou Meurice) interpellait le public pour chauffer la salle en leur balançant "comment ça va les pauvres ?" et ce, à plusieurs reprises, ce fut le comble du mauvais goût.
Rappelons-nous du modèle processus de précarisation de Paugam (1991) : "la précarité est une fragilisation sociale qui se déploie sur un continuum allant de l’intégration à l’exclusion." La première étape de ce processus est la stigmatisation, "moment où la personne accepte d’être désignée comme pauvre par les institutions officielles". C'est donc se définir comme pauvre, en porter la marque à l'échelle de la société pour ne plus être reconnu de prime abord comme un être humain, un citoyen. C'est une étape de la mise en écart et se faire interpeller à la radio en tant que pauvre vient renforcer ce stigmate et je m'interroge de comment le public a pu vivre cela.

Si je devais résumer ce qui est dit (communiqué) ça serait :
Je t'offre une radio, ça ne sert à rien sauf à distribuer la parole, une parole stigmatisante pour ne pas que tu (on ne te vouvoies plus de toute manière) oublies ce que tu es devenu et ce que tu vas malheureusement rester. Et les pauvres ne sont pauvres qu'à Noël, ça se sait ça !

Le mauvais goût et les maladresses médiatiques ont encore un bel avenir devant eux.

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Paugam, S. (1991). La disqualification sociale. PUF, Quadrige.