mercredi 15 juin 2016

Paramnésies et démarche diagnostique

"Vous êtes venu combien de fois ce matin ?
- Une seule fois Madame, vous étiez à la toilette, j'ai poursuivi mes visites et maintenant que vous êtes prêtes je viens vous voir à nouveau.
- C'est fou, je vous ai entendu trois fois. Je me suis dit, le pauvre, il est passé trois fois, il ne va pas revenir aujourd'hui."


Cette dame souffre de paramnésies, c'est à dire d'impressions de déjà-vu, déjà-vécu à différents moments de la journée et ce, depuis qu'elle est en chambre individuelle. Elle est très préoccupée par ce symptôme qui n'est d'ailleurs précédé d'aucun signe épileptique. Au MMSE elle obtient un score pathologique eu égard à son niveau d'étude et son âge. Deux médecins certifient qu'il n'y a aucun effet iatrogène. Inquiet par rapport à cet état, je demande que soit réalisé une TDM cérébrale. Cet examen met en évidence des calcifications bilatérales des noyaux gris centraux, des lésions de leucoaraïose péri-ventriculaires et des deux centres semi-ovales et d'une dilatation modérée du système ventriculaire. Le médecin annonce à la patiente que le scanner est normal étant donné son âge ; un second, gériatre, précise qu'il s'agit de lésions conséquentes à de petits AVC.

Du côté de la patiente, nous avons comme devise "je veux vivre" qui est dit de manière lancinante. Elle n'est pas dans une démarche diagnostique de ses troubles cognitifs d'autant plus qu'elle lutte contre une autre maladie invalidante et évolutive afin de maintenir le maximum d'autonomie possible. Enfin, après plusieurs entretiens passés avec elle, il s'avère que les paramnésies ne se manifestent pas lors de ses permissions (sorties à domicile). Elles apparaîtraient lors de moments de solitude et seraient probablement en lien avec son état dépressif.

En résumé, que faut-il faire ?
Ecouter la patiente et sa volonté de vivre plutôt que sortir l'arsenal de tests neuropsychologiques trop rapidement. D'autant plus qu'il n'y pas besoin de se précipiter !

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Sources :
Prud'hon, P. P. (entre 1758 et 1823). Mnémosyne [huile sur bois]. Paris: musée du Louvre.

mercredi 8 juin 2016

Bossa Nova

Un peu d'Amérique, de guitare et de rythmes avec ce bel album de reprises dont l'écoute adoucit le quotidien. On se connecte à deezer et on se met au travail.
 
 
Pauline Croze invitée chez France Inter (Si tu écoutes j'annule tout) précise qu'il s'agit ici d'un album intimiste et personnel. Des reprises jouées d'abord pour soi, pour le plaisir et aujourd'hui assumées, suffisamment (r)assurées pour les enregistrer. Du risque en somme, merci !

mardi 7 juin 2016

Biochimie et cinéma

A l'institut Max Planck (Allemagne), Jonathan Williams et son équipe (2016) ont conduit une recherche concernant les émissions chimiques du corps humains dans une salle de cinéma. Pour voir l'article en consultation libre : http://rdcu.be/iIV0 (lien permanent) paru dans Nature Scientific Reports.


L'émission biochimique la plus importante a été obtenue avec la diffusion de scènes de suspense et de comédie. Pourquoi ? D'après l'article, il y aurait un avantage adaptatif à percevoir les émissions chimiques au sein d'un groupe notamment en cas de danger (suspense) ou d'absence de danger type repos (comédie). D'où l'importance de l'émission de marqueurs chimiques.

Cette étude vient appuyer le fait que le visionnage d'un film est accompagnement au niveau olfactif et que cela peut modifier la perception qu'en ont les spectateurs. Les auteurs rappellent effectivement que le traitement olfactif vient moduler la perception des visages ainsi que le fonctionnement mnésique (récupération en mémoire à long terme).

Quel impact de cette recherche ?
- étude de l'haleine en médecine : identifier des marqueurs chimiques en lien avec le cancer mais aussi avec l'anxiété
- industries publicitaires et audio-visuelles (jeux-vidéos et cinéma) et sur les panels de consommateurs.


Cette étude me fait penser au patient cité par Didier Anzieu dans le Moi-Peau et qu'il surnomme Gethsémani (du nom du jardin d'oliviers où Jésus aurait eu des sueurs de sang avant son arrestation). Patient que le psychanalyste aborde au travers de l'enveloppe olfactive qui l'entoure et qui a une fonction de mise à distance de l'autre, d'agressivité.
 
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Sources :
Anzieu D. (1985). Le moi-peau. Paris: Dunod.
Williams, J., Stönner, C., Wicker, J., Krauter, N., Derstroff, B., Bourtsoukidis, E., Klüpfel, T. & Kramer, S. (2016). Cinema audiences reproducibly vary the chemical composition of air during films, by broadcasting scene specific emissions on breath. Nature Scientific Reports (6:25464), DOI: 10.1038/srep25464