jeudi 14 septembre 2017

Dérouler le pas de la limite

Je coure une fois par semaine depuis le mois de juin. J'en tire des bénéfices : du bien-être, de la satisfaction, de la fierté... Je ne coure pas pour aller mieux, je vais bien ! Je coure encore moins dans le cadre d'une prévention primaire bien que je sache consciemment les bienfaits que l'activité physique peut procurer sur ma santé. Il m'a fallu cinq ans pour en arriver à ce constat et à trouver un intérêt à reprendre une activité physique !

Je pensais que courir était une activité solitaire. Je me rends maintenant compte du contraire. Je suis seul avec moi-même et de ce moi-même émergent des objets internes. C'est par exemple le seul moment de la semaine où je pense à ma prof' d'EPS au collège et même si elle n'a jamais couru à côté de moi (elle tenait le chronomètre), elle est là, je revois son visage, sa dynamique, son caractère et je l'entends clamer son éternel leitmotiv : "je dois je veux je peux". De plus, je ne peux chasser de mon esprit les pensées générées par la course. La plupart du temps, elles ont traits aux consultations de ma journée. Jusque-là rien de bien étonnant.

Mais hier j'ai eu affaire à un adversaire : ma limite sur un parcours habituel.



C'est con mais courir ça peut faire mal, ce n’est pas nécessairement agréable. Les pulsations cardiaques s'intensifient, je transpire, je deviens tout rouge, je ne parviens plus à trouver ma respiration, j'en chie grave quoi ! C'est surprenant de constater que ce n'est ni la météo, ni la nature du terrain mais tout simplement mon corps qui donne la limite.

Si j'arrête de courir là maintenant est-ce un échec ?
Qu'en penserait ma prof d'EPS ?
Que dirait Fabrice Midal de ça ?

J'ai donc déroulé le fil de la limite en reprenant mon souffle.
Premier constat : je continue de marcher, j'avance et dans cette limite qui m'est imposée, je poursuis ma démarche.
Deuxième constat : je suis ne triste ni déçu de moi-même, je suis freiné dans mon élan initial.
Ce n'est donc pas un échec. Cette limite doit certainement pouvoir m'apprendre quelque chose. Mais quoi ?
Troisième constat : c'est donc ça ce que peut vivre un patient en ETP qui souhaiterait avoir une activité physique adaptée. C'est donc ça cette putain de limite qui démotive mes chers patients.
Quatrième constat : je suis donc face à un apprentissage. Je ne suis pas dans une quête de performance mais dans une recherche du plaisir.
Cinquième constat : Je dis zuuuuuut à ma prof' d'EPS et à son chrono.
Sixième constat : Allo ? Fabrice ? Je me recentre sur la notion de plaisir, je prends le temps d'accepter ma propre limite. J'accepte ce que je suis en train de vivre et je me fous la paix. Il n'y a problème que si je perçois ma limite comme un problème.
Septième constat : Ma limite est une absurdité car elle ne m'appartient pas. Ce n'est pas ma limite, c'est une limite.

Bon et après ?


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Astier, A. (2005-2009). Kaamelott. France: CALT.
Midal, F. (2017). Foutez-vous la paix et commencez à vivre. Flammarion.