mercredi 30 novembre 2016

Cognition de la spiritualité

Il s'agit ici d'un article-bouteille à la mer car une colle m'a été posée et je n'ai pas été foutu d'y répondre... c'est le but de la colle quoique l'intention initiale du colleur n'était pas de me coller.


Où se situe la spiritualité sur le plan cognitif ? Les capacités cognitives rattachées aux croyances sont-elles maintenues dans le vieillissement pathologique ?

Je reformulerai la première question en : "A quelles fonctions cognitives pourraient bien se rattacher la croyance ?" Spontanément je répondrai aux raisonnement (mémoire de travail et système de contrôle exécutif), émotion, praxie, mémoire épisodique et procédurale, langage et compréhension, compétence sociale et empathie... Je répondrai que c'est une capacité qui fait appel à l'ensemble du système cognitif. Pour étayer cette réflexion, j'ai cherché des articles scientifiques sur la cognition de la spiritualité sans trop de succès. Et puis dans ce type de recherche on a vite fait de tomber sur des sites douteux. D'autant plus que les bouquins en ma possession n'évoque pas cette problématique. Il est très succinctement survolé la notion d'hyper-religiosité que je crois associée à la psychose et au syndrome dysexécutif cognitif. La paléontologie fait le constat que la spiritualité est toute particulièrement associée au développement cortical de l'espèce humaine (conscience de la mort, rites funéraires)... sauf que les éléphants, certains oiseaux, les fourmis, ont elles aussi des comportements que je qualifierais faussement d'anthropomorphe lors des rites funéraires qui leur sont propre. Faussement anthropomorphe car pourquoi attribuer ces compétences à l'humanité alors qu'on les retrouve dans d'autres espèces ? Je m'égare.

Quant à la seconde question... Je n'en sais rien et serais tenté de dire que les habitudes de vie-rituels perdurent tout comme les croyances. Ce qui importe est ce qui fait sens à la personne âgée même sévèrement démente.

Si vous avez des pistes de réflexions sérieuses à apporter, je vous laisse commenter et apprécierais un échange sur cette colle.

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Friedrich, C. D. (vers 1834). Les étapes de la vie [huile sur toile]. Leipzig: Museum der bildenden Künste.

vendredi 11 novembre 2016

Le deuil et l'oubli

"Il faudrait faire un bilan mémoire à M. C car il ne souvient plus qu'hier son épouse est décédée."

Je ne cacherai pas mon agacement quant à cette demande que j'ai déclinée. Il en va de soi. D'autant plus que la famille de cet homme a fait le choix de l'écarter des cérémonies funéraires. Mis de côté le bilan neuropsy, je me suis empressé de m'assurer que le travail de deuil puisse se réaliser chez lui. A mon grand étonnement, il a spontanément exprimé que son épouse était partie.

"Elle est où votre épouse ?
- Ben, elle est au cimetière !"

La situation me paraissait plus sereine, il se souvenait ! Pourquoi plus sereine ?
Ce qui est nécessaire pour débuter le travail de deuil est de se confronter à la réalité de la perte. Comment ancrer le réel dans l'imaginaire ? Il faut assister à la présentation du corps du défunt pour qu'un constat se fasse. Il faut assister aux cérémonies, la mise en bière et l'inhumation apparaissent les plus essentielles.

Il est une erreur naturellement bienveillante de préserver les plus anciens ou les plus jeunes de cette réalité. La crainte principale d'un tel comportement de protection est une appréhension des réactions que pourrait manifester celui qui est considéré comme le plus fragile.
C'est une erreur sur plusieurs points. La mort fait partie intégrante de la vie, c'est justement la présence de la mort qui constitue un moteur de la vie. Par exemple la cérémonie du baptême emploie l'eau comme médium. La symbolique de l'eau renvoie à la vie comme à la mort. Il ne faut pas oublier non plus que les plus anciens en ont vu d'autres (occupation militaire, migration, guerre, stress, morts violentes, conditions de vie difficile, travail non déclaré, agressions en tous genre, hyper conformité sociale etc.). Ils sont bien plus armés et bien plus sereins à l'idée de la mort que ce qu'on pourrait penser ! Quant aux plus jeunes, ils peuvent seulement penser la mort comme une absence ou un départ définitif entre 5 et 10. La position restera fondamentalement la même c'est à dire d'inclure les enfants aux rites funéraires mais un accompagnement psychologique est nécessaire sans exception ! Pour simplement le soutenir dans l'absence du défunt, que l'enfant ne soit pas seul avec des émotions qu'il pourrait avoir du mal à nommer.

Dire qu'untel est parti sans s'assurer du sens porté au verbe partir ne suffit pas car dans si l'on part, c'est pour revenir. Et là peut s'enclencher une cascade de troubles (opposition, dépression, solitude, abandon familial qui ne peut plus supporter le regard du survivant qui réclame le défunt et à qui l'on cache qu'il est décédé).
"Mais pourquoi ne revient-il pas ?"
"Qu'ai-je fait ?"
"Je l'attend, elle doit revenir."


L'homme qui se souvenait pouvait donc enclencher un travail de deuil car il avait fait confiance aux discours familial. Une chance pour lui ! Car un deuil bloqué ou compliqué ou pathologique ou impossible à réaliser est d'une autre paire de manche...

D'autrefois la réalité est trompeuse et très embarrassante... :
"On dirait qu'elle est morte.
-  Euh... elle n'est pas morte... elle dort. Voyez comme elle respire.
- C'est con hein mais les morts se ressemblent tous !"
Preuve que l'on peut rire de tout à tous les âges...

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Friant, E. (1888). La Toussaint. Nancy: Musée des beaux arts.
Millais, J. E. (1851-1852). Ophélie. Londres: Tate Britain.
Waterhouse, J.-W. (1888). The lady of Shalott.  Londres: Tate Britain.